Le 19/08/2019

La Ferme du Coin Coin à Jameppe-sur-Sambre

Facebook : Ferme du CoinCoin

Nous voici de retour en province de Namur après quelques jours de répit.  Cette première journée sera semée d’embûches. Après une première crevaison à réparer avant de partir, nous en subissons une seconde sur la route en direction de notre prochaine destination. Manifestement, nos vélos se sont levés de la roue gauche ce matin-là… Ce qui retarde notre arrivée à Jameppe-sur-Sambre où nous attend notre hôte depuis un bon moment déjà. Heureusement pour nous, nous avons à notre disposition une boîte à outils, le sens de la débrouillardise et de la bonne humeur à revendre.

A notre arrivée, Quentin Ledoux nous fait la surprise de nous rejoindre à vélo, non loin de sa ferme. Nous cassons la croûte à l’intérieur de la caravane qu’il a aménagée avec son épouse, sur le terrain que la coopérative Terre-en-vue lui a octroyé en 2017. Après quoi, nous rendons visite à ses colocataires, des palmipèdes élevés en plein air au bord d’un étang. En effet, Quentin est le tout premier éleveur de canards bio de Belgique. Bioingénieur de formation, il a consacré cinq années de sa vie à rédiger une thèse sur le fonctionnement des cellules chez les plantes avant de prendre la décision, un beau jour, de changer de cap pour donner un nouveau sens à sa vie.

Ici, aucun gavage n’est autorisé, car c’est le bien-être animal qui prime avant tout, gage d’une meilleure qualité de la viande. Les canards, au nombre de 150 en moyenne, sont élevés pendant quatorze semaines et nourris à base d’herbe et de compléments bio. A partir de la cinquième semaine, ils sont transférés sur un autre terrain où ils jouissent d’un plus grand espace, avant d’être envoyés à l’abattoir, une opération à chaque fois délicate mais faite en pleine conscience.

Animé par une soif de compréhension de la nature, Quentin multiplie les expérimentations. Il prend soin aussi bien de ses bêtes que de ses arbres fruitiers, sur lesquels il opère des greffes à partir des mêmes variétés. Sa femme, Nathalie, s’occupe quant à elle du maraîchage.

Quentin souhaite également développer des synergies et invite les producteurs qui souhaiteraient développer un projet, de quelque nature que ce soit, à s’allier à lui en vue de former une coopérative.

Le 20/08/2019

La Ferme de la Sarthe à Saint-Gérard

http://fermedelasarth.canalblog.com/

Notre prochaine étape ne se situe qu’à une vingtaine de minutes à vélos de la précédente, dans le village de Saint-Gérard. D’ailleurs, Quentin connaît bien ceux qui habitent et travaillent dans cette ferme familiale, « en Bio-dynamie depuis 1981 ». Il a lancé son activité en même temps qu’Alice, qui est venue s’installer ici pour élever des brebis aux côtés de Damien, né sur le lieu-même.

Ici, plusieurs générations s’entremêlent et collaborent. Chacun s’épanouit dans son domaine : Damien au soin des vaches et à la gestion de la ferme ; sa fille, Valentine, au maraîchage avec son compagnon ; Alice à l’élevage des brebis et à la confection de fromages, faits avec du lait de vache. La jeune femme, d’origine française, est d’abord arrivée à Bruxelles pour y faire des études de traduction. Elle décide alors d’opérer un tournant dans sa vie (autre exemple de reconversion) à la suite d’un constat : « Je me suis rendue compte que notre génération n’était bonne qu’à engendrer des connaissances mais ne savait rien faire de ses dix doigts ».

Après une courte série de formations, elle toque à la porte de Damien qui l’accueille et accepte de lui transmettre son savoir, le soulageant ainsi de sa besogne quotidienne. Car il faut en mettre, du cœur à l’ouvrage, lorsque l’on choisit cette voie (même si parfois c’est elle qui nous choisit). Quasiment pas de vacances, ni de grasse matinée, et une vie sociale difficile à entretenir… Le secret pour tenir le coup ? Une passion et un amour pour la terre sans limite.

Autour d’un souper concocté à base des légumes de la ferme, Damien nous confie sa vision, quelque peu déroutante, de l’agriculture et de l’alimentation locale. Pour lui, l’agriculteur fauche et sème la mort partout où il passe pour générer la vie ailleurs. La vie et la mort forment alors un duo inséparable au sein d’une ferme. A ses yeux, consommer des produits venus de pays étrangers n’est pas une si mauvaise chose en soi car « cela nous permet de nous rapprocher d’autres cultures ». Voici certainement la raison pour laquelle on peut trouver, dans l’épicerie qu’ils tiennent, des produits importés à côté des leurs, issus toutefois du commerce équitable.

Le 21/08/2019

La Ferme du Martin-pêcheur à Montigny-le-Tilleul

http://www.hainaut-terredegouts.be/producteur/ferme-du-martin-pecheur/

Après deux jours passés à camper au même endroit, nous pédalerons la majeure partie de cette journée. A travers champs et villages, sur des sentiers touffus et étroits, au bord de la route et via Charleroi, fleuron de la sidérurgie et hôtesse de l’un des principaux aéroports du pays. Autant vous dire qu’ici, trafic routier et paisibilité ne font pas bon ménage. Il nous faut pourtant passer par là pour nous rendre à la Ferme du Martin-pêcheur, premier arrêt gourmand de la journée.

Stéphane et Stéphanie ont fait renaître cette ancienne ferme de ses cendres. Fasciné depuis toujours par le monde agricole, lui élève une vingtaine de bovins. Enseignante au sein du village, elle fabrique du fromage, du beurre et des yaourts à base de lait cru de vache, vendus à hauteur de 70% dans l’épicerie qui jouxte leur domicile. Le reste est distribué en circuit-court, notamment à travers le supermarché coopératif et participatif Coopéco. La particularité de leur ferme, c’est qu’aucune prairie ne s’y trouve aux abords. Leurs vaches paissent à distance, obligeant Stéphane à multiplier les allers-retours. 

Le couple nous convie alors à goûter à la panoplie de fromages qu’ils confectionnent, aux saveurs multiples et épicées : buscetta, potagère, maquée, ricotta… Pendant ce temps, ils nous font part de leurs difficultés journalières, marquées par un rythme de vie éreintant, de maigres rentrées financières et des conflits de voisinage récurrents. Habités par la passion et l’amour de leurs bêtes, ils poursuivent leur activité en dépit de tout. 

Le 21/08/2019

Le vignoble des Agaises “Ruffus” à Haulchin

http://www.ruffus.be/vignoble/

Nous quittons Stéphanie et Stéphane pour une heure cinquante de trajet supplémentaire. Une bonne partie s’effectue sur le RAvel à travers la forêt. Cette balade sylvestre nous procure une sensation de fraîcheur des plus agréables en cette journée de chaleur. Au loin déjà, nous apercevons un paysage atypique en Belgique. De longues rangées de vignes se profilent sous nos yeux, comme si nous avions atterris en région champenoise.

A peine arrivés que notre hôte, Arnaud Leroy, nous présente ses vignes et l’intérieur de ses cuves. Il revient sur l’histoire de son entreprise, qui a vu le jour en 2002 grâce à l’association de plusieurs personnes, dont celle de son père Raymond, alors négociant en vin. D’ailleurs, chez les Leroy, on est négociant de père en fils et, surtout, on n’a pas froid aux yeux, sans pour autant avoir la folie des grandeurs.

Deux hectares à base de chardonnay sont d’abord plantés. Puis le vignoble s’étend peu à peu face à la recrudescence des demandes. Il atteint aujourd’hui 29 hectares, avec des éoliennes en guise d’arrière-plan, “faisant de Ruffus le plus grand producteur de vin en Belgique”. On y produit exclusivement des vins effervescents : chardonnay brut, brut sauvage et brut rosé, selon une méthode traditionnelle impliquant une longue phase de fermentation et une “mise sur lattes” (les bouteilles sont entreposées dans une cave en position horizontale) pendant au moins douze mois.

Bien que le vignoble ne soit pas certifié bio, les vignes font l’objet d’une agriculture raisonnée, garantissant le respect des sols et un traitement limité. Pour se procurer les vins de ce domaine, mieux vaut s’y prendre à l’avance car les cuvées ne font pas long feu. Deux possibilités existent alors : réserver et se déplacer sur place, au chai, ou bien se rendre auprès d’un point de vente. Aucune différence tarifaire n’est appliquée.  

Au vignoble Ruffus, tradition et modernité s’unissent, donnant naissance à un entreprenariat d’un nouveau genre. La volonté de ses employés ? “S’agrandir tout en restant une PME intelligente”

Le 22/08/2019

Le restaurant Noir Bonnet à Saint-Ghislain

https://www.lenoirbonnet.be/  

A vélo, on voit du paysage. On prête attention à chaque détail. On salue les vaches sur notre passage, intriguées par cet animal mécanique étrange. On côtoie les véhicules motorisés avec qui l’on tente de maintenir des relations diplomates (pas toujours évident). Et puis, on sent la route. On vibre au même rythme que son vélo.

Et croyez-nous, la route pour aller jusqu’à Saint-Ghislain, nous l’avons bien sentie. Plusieurs kilomètres à rouler sur des chemins pavés à vous faire trembler les dents et friser le déraillement, avant de devoir traverser un tronçon de route périlleux afin de rejoindre une piste de vélo au bord de l’eau. Après quelques sueurs froides suivies d’une balade plus reposante le long du Grand large, nous arrivons enfin au Noir Bonnet. 

En guise d’accueil, Alicia nous offre son plus grand sourire. Elle et son conjoint, Ismaël, ont été parmi les premiers à nous contacter après le lancement du projet. Presque une évidence lorsque le slogan de leur établissement n’est autre que “Ici, on mange local!”. En effet, leur menu se compose de plats dont les ingrédients proviennent exclusivement de producteurs locaux. Le couple sillonne les campagnes belges pour aller à leur rencontre, une façon de mettre un visage sur chaque produit tout en favorisant l’économie du pays. 

Avant de se lancer là-dedans, tous deux exerçaient des professions bien éloignées. C’est le décès du père d’Alicia, qui tenait une pizzeria à l’endroit-même, qui les mène vers cette voie. Devant l’opacité de la provenance des ingrédients habituellement opérée par les restaurants, Ismaël et Alicia préfèrent miser sur la transparence. Leur stratégie paye, le succès est au rendez-vous. Le nombre de couverts s’accroît rapidement. 

Pour aller plus loin dans leur démarche et parce qu’ils aiment le défi, le couple agrémente leur restaurant d’un jardin potager en permaculture. Ils ambitionnent également d’ouvrir un bar à cocktails faits, bien entendu, à base d’ingrédients “100 %” locaux. 

Nous l’avouons, nous avons mangé divinement au cours de ces deux jours. Alicia et Ismaël nous ont choyé. Car ils ont le sens du relationnel, respirent le convivialisme et ont la bonne-humeur contagieuse. 

Le 23/08/2019

Le vignoble coopératif de Sirault

https://www.hainaut-terredegouts.be/producteur/vignoble-de-sirault/ 

Parmi la trentaine de producteurs avec qui Alicia et Ismaël collaborent figure un vignoble d’un genre particulier, dont l’un des trois terrains se trouve juste à côté de leur tout nouveau jardin potager. Le couple nous propose alors de rencontrer celui qui a lancé l’initiative en 2016, Jean-Christophe Vandrelst. Une fois n’est pas coutume, c’est à vélo que nous découvrons les trois parcelles. 

Jean-Christophe porte une double casquette. Pharmacien le jour. Viticulteur, et bien, le jour aussi… Tout part d’un magazine, le Vif Express, qui parle de ces belges qui ont choisi de se lancer dans la culture du raisin. Il se dit alors “Pourquoi pas moi ?”. Séduits par l’idée, quelques amis plantent à leur tour des pieds dans leur jardin ou celui d’un ami. Ils finissent par se réunir, chacun muni de son bagage à compétences, et plantent 300 pieds sur un premier terrain. 

Le projet provoque un tel engouement dans le village que le groupe d’amis décide “d’ouvrir le capital aux citoyens”, à travers la création d’une coopérative. Ils optent pour des cépages résistants mieux aux maladies et nécessitant peu de traitement ; et produisent à la fois du vin rouge et du vin blanc. Un an plus tard, les résultats sont probants : 2425 bouteilles sont produites lors de la première cuvée, et partent comme des petits pains. Les coopérateurs sont privilégiés, tandis que quelques bouteilles sont vendues au restaurant Noir Bonnet. 

Le vignoble Sirault a créé l’émulation au sein du village en impliquant le citoyen au coeur même du processus. Pour Jean-Christophe, certains “étaient en attente d’un tel projet”, comme ce vieux monsieur qui avait pris pour habitude de venir à pieds tous les jours jusqu’aux vignes pour “retrouver des gens et se rendre utile”, et à qui l’on a fini par offrir… un vélo. 

Le 24/08/2019

Les Oeufs du Paradis à Brugelette

Facebook : Les Oeufs du Paradis

Ces derniers jours, Tandem Local est monté en gamme, et ce ne sont pas nos papilles qui viendront s’en plaindre. En effet, ces dernières ont pu goûter à du mousseux belge qui n’a rien à envier à son homologue français, et savouré des plats dignes d’un restaurant gastronomique. Jean-Christophe, notre dernier interlocuteur, nous a même invité à goûter à l’eau de sa piscine.

Histoire de continuer sur la même lignée, Luc Hayois, le prochain producteur chez qui nous sommes sur le point de nous rendre, nous rejoint au Noir Bonnet afin de nous escorter à vélo jusqu’à chez lui. Car lui aussi est un familier du restaurant, qui achète ses oeufs. 

Nous empruntons la route en fin de journée, le moment idéal en cette période estivale chaleureuse. Le trajet se fait en douceur sous une fine brise, devant le début d’un coucher de soleil. Dès notre arrivée, nous rendons visite aux poules et prolongeons ainsi le spectacle que nous offre la nature. Luc va récolter les oeufs pondus au cours de la journée à l’intérieur d’un poulailler mobile. En réalité, c’est sa fille Iseult, âgée d’environ quatre ans, qui s’y colle. Debout sur un petit tabouret, elle récupère les oeufs qui arrivent les uns après les autres sur un tapis mécanique. 

Car les Oeufs du Paradis, c’est, une fois de plus, une histoire de famille. Une très belle histoire de famille. En 2003, Luc reprend cette grande exploitation aux côtés de son oncle et de son père. Au début, ils écoutent les conseils des “marchands de phyto” jusqu’à ce qu’une nouvelle formulation soit appliquée en 2009, détériorant drastiquement la qualité des moissons. A cet instant, Luc mène une profonde réflexion : “Je ne voyais plus l’intérêt de faire ce métier. J’ai donc réfléchi à un meilleur système où je ferais tout moi-même sans avoir recours aux négociants”. Son épouse, Justine, issue du monde agricole, désire elle opérer une reconversion dans le bio. 

Justine et Luc se lancent alors dans l’élevage de poules pondeuses bio. Le destin les pousse à se tourner vers le principe du poulailler mobile, qui offre de multiples avantages. A l’intérieur, les poules disposent de tout le confort nécessaire : abreuvoirs, nourriture, lumière et pondoirs. Elles en sortent quand bon leur semble et peuvent s’adonner à leurs activités extérieures favorites. Comme son nom l’indique, le poulailler peut être déplacé, donnant accès à une herbe fraîche régulièrement renouvelée. La garantie d’une “qualité de vie des poules et des oeufs”. Ces derniers sont quant à eux directement vendus auprès du consommateur.  

Ces chères gallinacés ne sont pas les seules que l’on pourrait envier. Leurs trois enfants, Anouk, Iseult et Ignace, jouissent d’un immense terrain de jeux en pleine nature qu’ils doivent, certes, partager avec des compagnons à deux et quatre pattes. “Nos enfants aiment venir récolter les oeufs après l’école sans qu’on les force. Il faut l’avoir dans le sang pour le vouloir”. 

Le 25/08/2019

La chocolaterie Belvas à Ghislenghien

https://www.chocolaterie-belvas.be/fr/accueil/ 

Aaaaah la Belgique… Ce pays réputé pour ses frites, ses bières ou encore ses gaufres. Difficile de faire l’impasse sur un autre de ses produits phares, qui s’exporte bien au-delà de ses frontières et dont le belge raffole lui-même. Il en consommerait en moyenne 8 kilos par an.  Vous l’aurez sans doute deviné, il s’agit (indice dans le titre) du…chocolat !

Véritable institution en Belgique, nous ne pouvions pas passer à côté. Et parmi les plus de cinq cent chocolateries répertoriées sur son territoire, c’est à Belvas que nous avons choisi de nous rendre, une chocolaterie bio qui prône le “commerce équitable”. Car si l’on ne peut pas cultiver le cacaoyer sur nos terres, il est toutefois possible d’adopter une démarche éthique et responsable. 

Nous arrivons à Belvas un dimanche soir. L’endroit est désert ; les clés du paradis chocolatier nous ont été confiées. Nous camperons les deux prochaines nuits sur un lopin de terre situé juste à côté des bureaux et de l’usine de fabrique. Les premiers ouvriers sont à l’oeuvre dès l’aube. En guise de réveil matinal, le vrombissement des machines substitue l’habituel chant du coq. 

Nous rencontrons Thierry Noesen, le saint patron de ce paradis, dans son bureau. Derrière lui, une affiche de Charlie et la Chocolaterie est collée au mur. Comme Willy Wonka, Thierry a plongé très tôt dans l’or brun. Alors que la chocolaterie pour laquelle il travaille en tant qu’ouvrier s’apprête à fermer, il décide de la racheter et de la passer en commerce équitable avec un crédo : “faire ce que les autres n’osent pas”. C’est à dire proposer des recettes originales, n’utiliser que des ingrédients certifiés bio et des emballages compostables sans qu’il n’y ait de répercussion sur les prix, allouer un prix juste aux planteurs de cacao, lutter contre le travail des enfants dans les pays partenaires et favoriser l’émancipation des femmes à travers le développement de programmes sur place.  

En somme, Thierry et son équipe mettent tout en oeuvre pour se démarquer des géants industriels qui tendent à privilégier le capital financier au détriment de leurs travailleurs. Thierry ne désespère pas qu’un jour ces derniers prennent la même direction et favorisent davantage l’être humain qui se cache derrière la fève : “Acceptons de relever un peu plus le prix du cacao et garantissons ainsi l’avenir”.