Vous connaissez ces journées placées sous le signe de “la poisse internationale”? Régis par ce que les scientifiques nomment “la loi de Murphy”, ces jours sont marqués par une succession d’événements tous autant fâcheux les uns que les autres, comme si la foudre du Dieu de l’enquiquinement s’était abattue sur vous sans que vous sachiez véritablement pourquoi. 

Et bien ce mardi 17 septembre, nous avons été ses boucs émissaires. Censés tous nous retrouver à 18h à la gare d’Hallest, en province du Limbourg, les événements prennent une toute autre allure pour deux d’entre nous, victimes d’une série noire : oubli des clés de vélos nous obligeant à effectuer un aller-retour, parcours du combattant à travers les rues mouvementées de Bruxelles en raison d’une manifestation en cours couronné par une descente d’escaliers musclée avec nos vélos électriques qui, croyez-nous, valent leur pesant d’or. Nous finissons par monter à bord du train. A peine ce dernier démarre t-il, nous octroyant une demie fraction de seconde pour souffler, qu’une vérité sans appel nous assaille : nous avons loupé le bon coche. Descente au prochain arrêt et rebelote à travers la circulation affolante de la capitale belge pour pédaler jusqu’à une autre gare. Cette fois, c’est la bonne. On jette tout de même un coup d’oeil au tableau de bord histoire d’être sûrs. 

A notre arrivée, la nuit est déjà tombée. Nous roulons jusqu’à notre prochaine étape, la ferme Bio bij Bernd, sous un ciel étoilé. Comme pour nous récompenser de nos efforts accomplis durant la journée, deux étoiles filantes tombent devant nos yeux ébahis.  Notre équipe subira la nuit la plus froide et par conséquent la plus longue de toute son histoire. Un réveil caféiné nous évite de sombrer dans un état léthargique. Bernd, qui tient cette ferme, est déjà à l’oeuvre depuis un moment lorsque nous allons à sa rencontre. 

Trois salariés travaillent à temps-plein sur cette ferme agricole certifiée bio, basée sur un modèle économique appelé CSA (Community Supported Agriculture), qui repose sur un contrat solidaire entre agriculteurs et consommateurs. Ces derniers paient en avance au début de l’année la totalité des légumes qu’ils consommeront, livrés chaque semaine dans quinze points de collecte, sous forme de paniers composés de 5 à 6 variétés de légumes de saison frais. Bio bij Bernd nourrit 200 personnes à ce jour. “On ne vend que ce que l’on peut produire, pas plus”.

Bernd juge ce modèle sécuritaire puisqu’il permet aux agriculteurs de les maintenir dans une situation financière stable, les libérant par ailleurs du joug des grandes surfaces. Ce système permet également d’instaurer la confiance entre les fermiers et les consommateurs, tout en responsabilisant ces derniers. Le prix du panier est évalué en fonction de son coût de production, fluctuant selon les aléas climatiques, et non de son poids.  “Les gens partagent le risque avec nous”. 

Bernd et ses collègues privilégient les outils manuels qu’ils façonnent parfois eux-mêmes, comme cette machine servant à laver les légumes grâce à l’eau de pluie  “Penser l’agriculture à travers une perspective classique est inefficace. Tellement de choses sont possibles, il faut créer son propre modèle”. 

Hérité des Etats-Unis, le modèle CSA, basé sur la solidarité et la coopération, connaît un succès grandissant en Flandre. Seule ombre au tableau : la raréfaction des terres agricoles dans la région, entraînant une explosion de leur prix à l’hectare. 

Le 19/09/2019

L’entreprise de sodas naturels Ritchie à Heverlee

http://www.drinkritchie.com/fr/ 

Notre périple s’achève en Flandre dans une ambiance vintage. Nous voici projetés le temps de quelques heures dans les années 50. L’époque exaltante et entraînante du swing et du huula hoop. Celle des cinés-parcs où les jeunes amoureux, confortablement installés au fond de leur siège en cuir, se bécotaient entre deux gorgées de limonade bien fraîche. Peut-être que celle-ci portait le même nom qu’un célèbre joueur de rock… Allez savoir.

Pour Jan Verlinden, cela ne fait aucun doute. “Avant, la limonade était une tradition en Belgique”. Une tradition à laquelle sa famille a largement contribué. Enfant, Jan avait l’habitude d’aller filer un coup de main à son père dans la brasserie qu’il tenait, elle-même créée par son arrière-grand-père. Sans successeur, cette dernière ferme ses portes à la fin des années 70. C’est en tombant sur une photo de lui datant de cette époque, où on le voit debout les mains posées sur une cagette remplie de ces bouteilles, que l’homme décide de redonner vie à l’entreprise de ses aïeuls aux côtés de son cousin. Un tournant pour cet expert en marketing qui a consacré 22 ans de son existence à travailler pour de grands groupes. 

Aucun arôme artificiel ni conservateurs… La limonade Ritchie est élaborée uniquement à partir d’ingrédients naturels comme du béta-carotène et du sucre de canne, et se décline sous quatre saveurs : orange, pamplemousse, citron et… cola! De grandes entreprises comme PepsiCo monopolisent le marché des sodas, laissant peu de place à l’innovation. C’est pourquoi nous avons décidé de créer le premier cola belge, pour offrir une alternative au cola industriel”. Et pour se démarquer du groupe (qui se vante sur son site internet de générer “606 millions de “consommations” bues par jour dans le monde”), le cola Ritchie est dépourvu de “toute trace de caramel et d’acide phosphorique”.

Aucune trace de plastique non plus. Les bouteilles sont conçues en verre et surmontées d’une capsule “Twist-off cap” permettant de l’ouvrir et de la fermer à la main autant de fois désirées, le tout dans un style rétro revisité. Jan est fier de son produit qui, après trois ans d’existence, a reçu de nombreux retours positifs. “Je travaille mais pour moi c’est amusant de voir croître la marque. Un jour j’ai reçu un email de quelqu’un qui avait acheté ma limonade et qui me disait combien il l’appréciait. J’avais l’impression d’avoir 6 ans et d’être chez ma grand mère”.

Aujourd’hui, les tendances s’inversent. Le local revient à la mode. Une aubaine à saisir, selon Jan, pour ceux qui désirent se lancer dans un entrepreneuriat éthique à échelle bien plus réduite “Il y’a de l’intérêt pour les produits naturels de bonne qualité alors allez-y!”

Nous quittons la Flandre au bout de trois semaines de périple et de huit étapes effectuées, sans oublier nos rencontres avec Filip de Bodt et Anuna de Wever, tous deux militants pour le climat. Notre ressenti au sein de l’équipe ? La région fourmille d’initiatives citoyennes inspirantes et d’actions concrètes et combatives, qui démontrent qu’ici, le levier de la révolution alimentaire est actionné depuis déjà plusieurs années.